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Je tente ici une traduction (et un condensé) de l´article de Patricio Navia :
"De tous les présidents récents du premier monde, François Mitterrand a été le modèle favori du président chilien sortant Ricardo Lagos. Mais à la différence de Mitterrand, Lagos n´a jamais réussi à s´isoler suffisament de la conjoncture pour se transformer en un leader nacional froid et impersonel. Bien que les présidents expriment rarement leur admiration pour d´autres chefs d´Etat, il y a suffisament d´évidences qui indiquent que Lagos a vu dans Mitterrand (1916-1996) un modèle à suivre. Bien qu´idéologiquement il se sentait beaucoup plus proche de Felipe Gonzalez en Espagne ou de Tony Blair en Grande Bretagne, Lagos ( … )savait que l´image du chef de l´Etat était portée pour chacun d´eux par leur monarque respectif. Ni Blair ni Gonzales n´ont cherché à se construire une image plus transcendante que celle de chef de gouvernement. Au Chili, comme en France ou aux Etats Unis, les rôles de chef de gouvernement et de chef d´Etat retombent sur la même personne. Mais les hommes qui occupent la maison blanche ont aussi beaucoup plus d´influence dans la quotidienneté du gouvernement que les dirigeants français. Bien que ce soit un système fédéral, le président des Etats Unis est chef du gouvernement et chef d´Etat à la fois, tandis que les présidents français de la Vème république sont fondamentalement des chefs d´Etat.
Comme il a été élu pour la première fois à 65 ans (et réélu à 72), Mitterrand savait qu´après avoir complété ses 14 ans à la magistrature suprême, sa vie publique arriverait à sa fin (...) Durant son mandat, Mitterrand a occupé la plupart de son temps à essayer d´atteindre une situation similaire à celle de De Gaulle dans l´histoire politique de son pays. Son ambitieux projet d´infrastructure qui inclut l´arche de la Défense, la très grande bibliothèque nationale, la pyramide du Louvre et l´opéra bastille cherchait à donner un contenu architectural à ce qu´il voulait être un souvenir beaucoup plus divers et complexe. Son intention de convertir la France en un pays leader de la fin du siècle l´a amené à appuyer avec enthousiasme et énergie le processus de réunification de l´Europe. Dans une non moindre mesure , l´UE lui doit une bonne part de sa surprenante réussite et sa consolidation inquestionnable.
Ricardo Lagos, lui, est arrivé au pouvoir quelques jours après ses 62 ans, sachant qu´il ne pourrait pas chercher une réélection et que ses 6 ans à la Moneda ne seraient pas sa dernière étape... Parce qu´il a toujours pensé à ce qui viendrait après, Lagos a tenté de mettre dans l´agenda nacional la discussion sur le bicentenaire. Bien que beaucoup pensaient qu´il était en train de préparer son retour à la Moneda en 2010, Lagos cherchait à construire un souvenir qui l´associerait inévitablement avec le bicentenaire. (en combinant des symboles architecturaux de modernité (nouvelles lignes de métro, super autoroutes urbaines et d´innombrables édifices publics) avec des infrastructures culturelles (qui bien sûr incluent la création d´un Ministère de la Culture et d´un musée en face de la Moneda), Lagos s´est assuré de construire un héritage indéniable (…)
Bien que ce soit une pratique commune des chefs d´Etats, la préoccupation excessive de Mitterrand et Lagos pour développer des infrastructures les rendent très différents des dirigeants américains ou d´autres gouvernants européens. Par exemple, Kennedy a invité à rêver avec la conquête de la lune, en partie parce que le président des Etats Unis ne peut pas agir sur la construction d´infrastructures, question qui revient aux gouverneurs d´Etats. Felipe Gonzales, privilégiant le symbolique sur l´infrastructure, s´est orienté sur les jeux olympiques de Barcelone et l´expo universelle de Séville.
Mais comme Mitterrand a tenté d´égaler De Gaulle, Lagos a cherché à dépasser les Frei, Aylwin, Pinochet et Allende. Depuis les deux “informes Rettig” sur le "table de dialogue" et la torture jusqu´à sa déclaration sur la fin de la transition, Lagos a toujours voulu devenir le "vrai" president de la transition.…
Bien que ne possédant plus de pouvoir colonial depuis longtemps, la France a réussi sous la présidence de Mitterrand à se transformer en un acteur international relevant. Parce que Mitterrand avait compris que le leadership mundial nécessite autant de force militaire que de respect des autres nations, la France a été leader dans la réussite de l´unification de l´Europe.
Avec un poids international bien plus limité, le Chili a aussi obtenu une importante reconnaissance internationale durant les six années de Lagos. ... Il est sûr que le respect que Lagos a gagné avec sa défense de la légalité internationale ( sa decision de s´opposer au Conseil de Sécurité de l´ONU à l´invasion américaine de l´Irak) a fait augmenter substantiellement son niveau d´approbation dans le monde.
Mais si Mitterand a pu devenir un pilier de la construction européenne, Lagos a été incapable de devenir un leader en Amérique du Sud. Il est certain que ce défi était bien plus grand que celui qu´affrontait Mitterrand. De fait, les nations européennes avaient beaucoup plus d´affinités macroéconomiques et une plus grande determination que les pays latinomaméricains à atteindre l´unité.
L´Etat c´est moi
Comme chef d´Etat, Mitterrand a voulu incarner comme un dirigeant froid, distant et impersonel l´impartialité et la légalité de l´Etat. Bien qu´il ait été questionné pour de supposés favoritismes, le chef d´Etat français s´est préoccupé de montrer clairement qu´il ne protégeait pas ses familiers et qu´il n´aurait pas de dauphin. Après lui le déluge pour le socialisme.
Bien que , comme Mitterrand a abandonné la direction du parti socialiste, Lagos a renoncé à être le leader de la concertation, il a cherché de différentes formes à se transformer en leader moral de la patrie (des cérémonies du trentenaire du coup d´Etat jusqu au rapport sur la torture), mais son rôle de chef du gouvernement l´a obligé à s´occuper des campagnes electorales de 2001 et 2004, à intervenir dans les négociations parlementaires pour protéger des amis et à préserver les équilibres à l´intérieur de la concertation.
C´est dans son incapacité à garder la distance avec ses amis et familiers de son épouse que Lagos a montré sa principale différence avec le style impersonel et froid de Mitterrand. Lagos a commis ses pires erreurs quand il a tenté de défendre sa famille et ses alliés politiques. D´un autre côté, c´est précisément la nécessité d´exercer son rôle de chef de gouvernement qui lui a permis, par son intense présence médiatique et par moment son excès de participation dans les problèmes quotidiens, de gagner le respect, l´admiration et la sympathie qu´il a aujourd´hui acquis au Chili.
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