Lutte contre le terrorisme : l' efficacité contre la légalité ?

Les principes de la procédure pénale peuvent t' ils être abandonnés dans le cas d' une menace terroriste ? 

C' est sur ce sujet grave qu' avaient à plancher, à l' initiative de Dominique Perben. les invités du sixième colloque Paris-Berlin, réuni vendredi à Lyon .
Le Belge Gilles de Kerkhove, coordinateur européen depuis 2007 de la lutte contre le terrorisme, a d' abord fait un exposé qui se voulait pragmatique. Selon lui, la menace terroriste en Europe reste "sinon grave, du moins sérieuse et réelle". Dans les dernières années, sans que les populations de ces pays le sachent forcément, "des attentats importants ont été déjoués en Allemagne, au Danemark ou en Angleterre".

La lutte antiterroriste doit être sous tendue par une approche judiciaire.
Mais pour Gilles de Kerkhove, l' Europe ne peut pas se satisfaire de l' approche "militaire" du problème, comme le font les Etats Unis ; l' absence de garantie par des procédures claires, le recours à des vols secrets, la "sous traitance" de la torture, le non respect des droits fondamentaux produisent des résultats aberrants, voire contreproductifs dans les opinions publiques. Il est donc urgent pour l' Europe de rappeler ses valeurs, d' établir des procédures de droit valables pour tous les pays, et surtout de ne jamais transiger sur les "fondamentaux" qui sous tendent l' Europe : neutraliser toute information obtenue sous la torture, respecter la personne humaine.
Résister aux Etats Unis
Selon un parlementaire présent, les européens ont été contraints par les Etats Unis d' échanger des fichiers PNR des aéroports, c 'est à dire de leur donner des informations confidentielles sur des personnes qui ne sont même pas entrées sur le territoire américain ! Celà a permis aux USA, par le croisement de fichiers d' empreintes digitales, de mettre la main sur des terroristes qui avaient envisagé de se rendre sur leur territoire. Car les américains se sentent face à une immense meule de foin dont il faudrait extraire l' aiguille terroriste. Le problème est que cette politique, au lieu d' éradiquer le problème, crée des tensions qui le démultiplient.
Les lois viennent souvent encadrer des pratiques déjà en cours
Le débat a été l' occasion pour Dominique Perben de revenir sur les échanges très vifs qui ont eu lieu en France à propos des lois qui portent son nom. Pour lui, la menace terroriste est durable et il n' était pas possible d' envisager une loi "temporaire" ou d' exception. Il fallait adapter le droit aux nouvelles menaces. En France, les policiers de la DST sont aussi officiers de police judiciaire, ce qui "fluidifie" beaucoup leur travail. La France s' est dotée d' un arsenal qui permet aujourd'hui la mise sous écoute ou la captation d' images de personnes privées, tout comme les perquisitions de nuit et les "infiltrations" de policiers dans les groupes terroristes. Mais elle encadre selon lui une pratique qui se faisait déjà en ne permettant pas la "provocation" au délit par exemple.
Le retour du droit et du travail parlementaire
Pour Martine Roure, député européenne, le "minitraité" de Lisbonne apporte de bonnes nouvelles et il est grand temps de le mettre en application : la codécision en matière pénale avec le Parlement européen va permettre de calmer la "frustration" des parlementaires qui sont éloignés des décisions. L' extension des compétences de la Cour de justice, la prise de décision à la majorité qualifiée et enfin le caractère contraignant de la Charte des droits fondamentaux avec la mise en place de contrôles externes permettront de donner un cadre juridique dans un domaine qui se caractérise par le flou artistique.
La présidence française de l' Europe
Enfin selon Peter Altmaier, secrétaire d' Etat auprès du Ministère de l' Intérieur allemand, la présidence française de l' Union européenne devrait être l'occasion de mettre en place une série d' accords. Selon lui, la coopération a été fructueuse et l' ouverture des frontières, loin de créer un "appel d' air" pour les terroristes, a permis une plus grande efficacité. Le nombre d' arrestations a d' ailleurs augmenté. Mais si nous voulons augmenter cette coopération, au travers d' échanges de fichiers ADN ou de données informatiques (comme l 'installation de logiciels chevaux de troie dans les ordinateurs), celà doit s' accompagner d' un débat public. Un débat déjà rude dans des pays comme l' Allemagne ou l' Autriche. 

5 comments :

Anonyme a dit…

"elle encadre selon lui une pratique qui se faisait déjà". Avec ce genre de raisonement de Dominique Perben, on peut tout justifier, des ventes d' armes à la torture... Si le législateur devait se contenter "d' encadrer et d' organiser", autant arrêter tout de suite tout discours sur les valeurs de l' Europe.

Anonyme a dit…

Et pourquoi ne pas trainer les Américains devant la Haute cour de Justice internationale pour ce qu'ils font à Guantanam ?
Loin devant le totalitarisme de la Chine, le voilà bien le vrai scandale
du siècle.

Anonyme a dit…

Il ne faut pas être naïf : le droit arrive souvent en retard. Et lorsque l'on est la première puissance mondiale, que fiche des traités et lois en vigueur ? Les Etats-Unis imposeront leurs vues et leurs méthodes partout dans le monde, à commencer chez leurs alliés.
De plus, ce qu'il faudrait encadrer c'est le dévoiement des mesures anti-terroristes à l'ensemble de la population. C'est principalement ça le risque actuel dans nos démocraties qui se muent, mutatis mutandis, en démocratures du fait de mesures d'exception qui non seulement perdurent mais en plus s'élargissent dans leur sphère d'action. Personnellement je
n'ai qu'une confiance limitée en l'Europe et ses institutions pour mieux encadrer ce phénomène.

Et reste enfin tout le problème initial : nous luttons en matière de terrorisme contre toute apparition de nouveaux bourgeons, mais quid des racines du mal ?

Cordialement

Anonyme a dit…

Suis-je le seul à me sentir de plus en plus coincé entre la menace
terroriste et la menace antiterroriste ?

Anonyme a dit…

c'est effectivement un sujet grave, au point que le gouvernement de M. G.W.
Bush s'est vu obligé de recourir aux services d'un jeune juriste, M.Yoo, pour donner un cadre "légal" , non seulement à la détention des prisonniers
de Guantanamo, mais encore à la pratique de la torture dans les
interrogatoires. M. Yoo a si bien défini la torture qu'une pratique comme le "water-boarding" est considérée comme légale.
J'espère que cela constitue un soulagement pour les partisans de
l'efficacité.
Il faut dire cependant qu' aux Etats-Unis, un nombre considérable de poules mouillées se sont émues des principes revisités par M. Yoo, pendant que d'autres légalistes ingénus, comme l'agent spécial J. Cloonan,
remettait en cause l'efficacité de ces pratiques, qu'il qualifie non sans ironie de "robust, or aggressive interrogations".

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