Vient de paraître : Ingrid Betancourt, par delà les apparences

Il ne faut pas s´attendre, en lisant ce livre paru dans la collection "Regard latino" des éditions Toute latitude, à y découvrir des détails croustillants ou une histoire "cachée" derrière l´enlèvement d´Ingrid Betancourt. Au contraire l’auteur, Jean Jacques Kourliandsky, s´attache à rappeler des faits connus pour "les mettre en perspective et en cohérence afin de leur donner une lisibilité".


Qui est vraiment Ingrid Betancourt ? Qui sont les FARC ? Quel rôle jouent les puissants ? Cet ouvrage s´adresse au grand public et cherche à instaurer une prise de distance indispensable, quand depuis trop longtemps l´émotion a pris le pas sur la raison.
Détaillant des faits précis, l´auteur s´attache à comprendre pourquoi la mobilisation médiatique et le discours "humanitaire" n´ont donné aucun résultat pour la libération de l´otage "la plus célèbre du monde".
L’Allemagne, qui a eu de nombreux otages en Colombie, a réussi elle, à les tirer d’affaire dans la plus grande discrétion. "Mais il est vrai qu’il y a en RFA, on l’a vu dans des situations similaires en Irak, un large consensus politique et médiatique conduisant à ne pas chercher de l’indice d’écoute et du chiffre électoral sur les enlèvements de nationaux", indique Kourliandsky. Il rappelle que si le sort "d´Ingrid" , puisque jusqu´au Président de la république l´appelle par son prénom, est connu de tous les français, d´autres otages, dont une franco-colombienne, ont disparu dans la jungle de ce pays.
Aïda Duvaltier, une franco-colombienne morte dans l´indifférence
" Une Française était donc au moment de l’enlèvement d’Ingrid Betancourt détenue par un groupe de guérilla en Colombie. Elle s’appelait, l’imparfait est de rigueur, puisqu’elle est morte en captivité, Aida Duvaltier. Aida Duvaltier n’est ni journaliste, ni candidate à la présidence de la République, ni amie de Monsieur de Villepin. Personne n’en parle. À tel point que le site en ligne Wikipedia a supprimé en 2007 la rubrique « Aida Duvaltier », provoquant un échange intéressant entre contributeurs sur les critères de notoriété légitimant une présence dans cette encyclopédie du réseau Internet. « Mis à part qu’elle a été prise en otage et qu’elle est morte en détention, je ne vois pas en quoi cette personne est notoire», a précisé l’autorité de surveillance de Wikipedia à l’auteur de la rubrique".
Ingrid Betancourt, voulait apporter de l´oxygène dans la vie politique colombienne :
Née d´une famille de la très grande bourgeoisie (son père a été plusieurs fois ministres), Ingrid Betancourt a vécu une enfance "de rêve" entre la France et la Colombie. Mariée à un diplomate, c´est tout naturellement qu´elle s´est tournée vers la politique. Mais son intégrité et sa nature profonde l´ont décidé rapidement "à rompre avec un milieu politique tout disposé à en faire l’une de ses figures de proue. Au nom de la «Vertu », elle lance des anathèmes tous azimuts. Elle est devenue l’enfant terrible de la politique colombienne. Après avoir pris l’initiative d’animer un courant contestataire au sein de sa formation d’origine, « Oxygène libéral », elle part en claquant la porte au nez du président Samper. Elle fonde pour se présenter aux sénatoriales 1998 le parti « Oxygène vert » avec un certain nombre de déçus libéraux et d’anciens membres de la guérilla du M19. Est-elle vraiment passionnée par la défense de l’environnement ? Sa trajectoire la montre surtout attachée à trouver des solutions originales à la corruption et au conflit interne".
Restituer la complexité de l´histoire
Élue sénatrice, en alliance avec les conservateurs, pendant la trêve des années 1998-2002, elle a rencontré à plusieurs reprises les dirigeants des FARC dans la zone démilitarisée. Elle a maintenu aussi des contacts avec les autres acteurs des violences colombiennes, persuadée qu’avec beaucoup de volonté et d’efforts, le bon sens, la recherche de la paix finiraient par s’imposer aux uns et aux autres. "Ce dialogue peut surprendre. Il n’a pourtant rien d’original. La plupart des responsables politiques, quoi qu’ils en disent en public, tout à la fois condamnent les acteurs des violences, et entretiennent avec eux une relation permanente", écrit l´auteur.
Connue, sinon appréciée de tous les Colombiens, ainsi que de tous les responsables de partis politiques légaux, connue de tous les groupes ayant recours à la violence et de leurs dirigeants, elle fait alors campagne partout et en tous lieux, ne s’interdisant rien. "C’est ce volontarisme, part de son moi le plus profond, et peut-être le sentiment qu’elle était protégée par un capital de contacts anciens avec la guérilla, qui le 23 février 2002 l’a conduite sur la route de San Vicente del Caguán, localité dont le maire était un ami politique, en dépit du risque que présentait un tel déplacement".
Le dialogue de sourds avec les Farc
Dans le dialogue qui s´est instauré avec les Farc, le message est brouillé par de nombreux "parasites". L´auteur rappelle qu´en 1998, le président Andrés Pastrana l’avait emporté grâce à de bons rapports affichés avec le principal responsable des FARC, Pedro Antonio Marín, plus connu sous son nom de guerre, Manuel Marulanda... Le 14 octobre 1998 un il leur avait accordé un statut politique et concédé un territoire démilitarisé de 42 139 kilomètres carrés au coeur du pays, au sud de Bogotá. La négociation ouverte sans suspension des combats hors zone démilitarisée n’a jamais vraiment trouvé son rythme et (...) le gouvernement a peu à peu privilégié une stratégie de retour à la guerre. Avec l’appui des États-Unis, un programme d’aide et coopération, connu sous le nom de « Plan Colombie », a été mis en place le 13 juillet 2000, en principe pour réduire l’espace de la drogue...
Politique contre humanitaire
Concernant les prises d´otages, les FARC les justifient comme des moyens de pressions politiques pour obtenir des concessions de territoires et un retour à la situation de 1998. Hors la réponse apportée par les Etats comme la France est presque toujours placée sur le terrain de "l´humanitaire", entre autre sous forme d´échanges de prisonniers ; ce qui leur a fait qualifier le président français Nicolas Sarkozy, lors du dernier épisode en date (l´envoi d´un avion médicalisé en Colombie) "d´ingénu" .
A lire Jean Jacques Kourliandsky, on comprend que la pression médiatique et politique qui entoure Ingrid Betancourt, si elle permet de l´imposer comme "le joyau" de cet immense trésor que constituent les otages, est aussi le principal obstacle à sa libération.
Une libération qui passera forcément par des concessions politiques (et plus seulement humanitaires), et donc par de franches discussions avec nos "alliés" américains.


Spécialiste de géopolitique et historien, Jean-Jacques Kourliandsky est chargé de recherche àl’IRIS (Institut de Relations Internationales et Stratégiques) sur l’Amérique latine et l’Espagne. Consultant, éditorialiste notamment pour la revue Espaces Latinos, il publie dans différentes revues spécialisées et intervient régulièrement auprès des Fondations Friedrich Ebert et Jean Jaurès en Amérique latine.
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