Comme nous vous l' indiquions il y a quelques semaines (voir article dans LYonenFrance), un comité des amis de Barack Obama est né à Lyon.
Afin de marquer l'investiture démocrate du sénateur métis et "saluer l'exemple d'une trajectoire de diversité réussie", le Comité propose une soirée Blacks-Blancs-Beurs-Obama le trois juillet à bord d'une péniche sur le Rhône.
Les organisateurs de ce comité n' hésitent pas à théoriser leur action et disent vouloir " témoigner ainsi de notre côté de l'Atlantique de notre intérêt et de notre foi en la réussite de la diversité et dans l'universalité d'un destin singulier". Nous reprenons ici l' intégralité du texte proposé par Patrice SCHOENDORFF et Philippe LAVRODAMA , intitulé "la déclinaison lyonnaise".
Obama s'est révélé aux Américains et au reste du monde un 27 juillet 2004 à la faveur d'un discours prononcé à la demande de John Kerry, candidat du parti, lors de la Convention démocrate. Un discours qui exaltait, à travers son histoire personnelle, le rêve américain et les valeurs américaines, mis à mal par l'exploitation sans doute éhontée du traumatisme du 11 septembre par l'administration Bush et des néo-conservateurs fort influents dans son entourage. "Je me tiens ici aujourd’hui, reconnaissant pour la diversité de mon héritage, conscient que les rêves de mes parents survivent à travers mes deux précieuses filles. Je me tiens ici sachant que mon histoire fait partie de la plus grande histoire américaine, que j’ai une dette envers tous ceux qui se tiennent devant moi, et que dans aucun autre pays au monde, mon histoire n’est même pas envisageable".
"Je suis le fils d’un Noir du Kenya et d’une Blanche du Kansas".
Il reprendra ce thème, de la congruence entre son curriculum vitae et la singularité de l'histoire américaine, lors de son désormais fameux discours de Philadelphie du 18 mars 2008 consacré à la question raciale. "Je suis le fils d’un Noir du Kenya et d’une Blanche du Kansas. J’ai été élevé par un grand-père blanc qui a survécu à la grande Dépression puis a servi dans l’armée de Patton pendant la Seconde Guerre Mondiale et par une grand-mère blanche qui a travaillé dans une usine de bombardiers à Fort Leavenworth pendant que lui était de l'autre côté de l'océan. Je suis allé dans des écoles parmi les meilleures d’Amérique et vécu dans l’un des pays les plus pauvres du monde. Je suis marié à une Noire américaine qui porte en elle le sang d’esclaves et de propriétaires d’esclaves – un héritage que nous avons transmis à nos deux filles bien-aimées. J’ai des frères, des sœurs, des nièces, des neveux, des oncles et des cousins, de toutes les races et de toutes les couleurs, répartis sur trois continents et, jusqu’à la fin de mes jours, je n’oublierai jamais que, dans aucun autre pays sur Terre, mon histoire ne serait même possible.
C’est une histoire qui n’a pas fait de moi le candidat le plus conventionnel. Mais c’est une histoire qui a inscrit jusque dans mes gènes l’idée que cette nation est plus que la somme de ses composantes – qu'à partir de beaucoup nous formons vraiment un tout unique".
Obama s'est révélé aux Américains et au reste du monde un 27 juillet 2004 à la faveur d'un discours prononcé à la demande de John Kerry, candidat du parti, lors de la Convention démocrate. Un discours qui exaltait, à travers son histoire personnelle, le rêve américain et les valeurs américaines, mis à mal par l'exploitation sans doute éhontée du traumatisme du 11 septembre par l'administration Bush et des néo-conservateurs fort influents dans son entourage. "Je me tiens ici aujourd’hui, reconnaissant pour la diversité de mon héritage, conscient que les rêves de mes parents survivent à travers mes deux précieuses filles. Je me tiens ici sachant que mon histoire fait partie de la plus grande histoire américaine, que j’ai une dette envers tous ceux qui se tiennent devant moi, et que dans aucun autre pays au monde, mon histoire n’est même pas envisageable".
"Je suis le fils d’un Noir du Kenya et d’une Blanche du Kansas".
Il reprendra ce thème, de la congruence entre son curriculum vitae et la singularité de l'histoire américaine, lors de son désormais fameux discours de Philadelphie du 18 mars 2008 consacré à la question raciale. "Je suis le fils d’un Noir du Kenya et d’une Blanche du Kansas. J’ai été élevé par un grand-père blanc qui a survécu à la grande Dépression puis a servi dans l’armée de Patton pendant la Seconde Guerre Mondiale et par une grand-mère blanche qui a travaillé dans une usine de bombardiers à Fort Leavenworth pendant que lui était de l'autre côté de l'océan. Je suis allé dans des écoles parmi les meilleures d’Amérique et vécu dans l’un des pays les plus pauvres du monde. Je suis marié à une Noire américaine qui porte en elle le sang d’esclaves et de propriétaires d’esclaves – un héritage que nous avons transmis à nos deux filles bien-aimées. J’ai des frères, des sœurs, des nièces, des neveux, des oncles et des cousins, de toutes les races et de toutes les couleurs, répartis sur trois continents et, jusqu’à la fin de mes jours, je n’oublierai jamais que, dans aucun autre pays sur Terre, mon histoire ne serait même possible.
C’est une histoire qui n’a pas fait de moi le candidat le plus conventionnel. Mais c’est une histoire qui a inscrit jusque dans mes gènes l’idée que cette nation est plus que la somme de ses composantes – qu'à partir de beaucoup nous formons vraiment un tout unique".
Le Parti Républicain avait envisagé un temps de présenter Colin Powell
Au-delà du credo rituel sur l'excellence du modèle américain, de l’exhumation du mythe du melting pot, et de la rhétorique exceptionnaliste que l'on affectionne outre-atlantique, il y a une part de vérité dans ce récit, dont témoigne la présente et exaltante expérience que vit et nous fait vivre le personnage. L'entreprise aurait paru hypothétique voire aventurée si dans les oeuvres de fictions télévisuelles, le scénario d'un Noir à la Maison blanche n'était en rien extravagant, et que son succès actuel exemplifie de la manière la plus probante. Au demeurant, le Parti républicain avait envisagé un temps, dans les années 90, présenter Colin Powell à l'investiture. Un honneur que celui-ci déclina sur l'insistance de son épouse…
On apprend, sans surprise, que dans le monde entier, la campagne électorale présidentielle américaine en cours passionne les foules, avec un parti pris avéré en faveur du candidat métis. En raison de la situation et du rôle prééminent des Etats-Unis dans le monde, et plus encore depuis la fin de la guerre froide, les élections américaines ne laissent personne indifférente en dehors des frontières du pays.
Cet intérêt s'est accru en la circonstance du fait de la personnalité des deux candidats à la candidature pour le parti démocrate : une femme et un homme noir. Jamais de simples primaires n'ont été autant suivis, ni autant couvertes par les médias du monde entier. Si lors des dernières élections présidentielles américaines, en 2004, la candidature de John Kerry a été suivie avec intérêt et sympathie, sentiments dus pour une large part à l'impopularité record de George W Bush, le parcours de Barack Obama suscite un véritable engouement, une ferveur et un élan d'adhésion qui sont de l'ordre du culte messianique. Son profil atypique et improbable et son programme de changement pour l'Amérique et pour le monde se conjuguent pour lui conférer un statut de sauveur.
la capacité d'innovation et de régénération sans limite d'une Amérique dynamique
Pourtant certains esprits chagrins et honteux ne sont pas loin de considérer une éventuelle accession d'Obama à la Maison blanche comme un châtiment infligé à l'Amérique pour ses fautes supposées ou son omnipotence et sa prépotence, son Hubrys, bref un 11 septembre soft. D'autres, en revanche, tendraient plutôt à interpréter l'événement comme une rédemption, un acte d'exorcisme. D'autres encore, assurément les plus nombreux, n'y lisent que la capacité d'innovation et de régénération sans limite d'une Amérique dynamique et inventive.
Impérialismes de l' Universel
Le pays interpellé au premier chef par le phénomène Obama est sans conteste la France, qui se considère comme la fille aînée de l'Eglise et le pays des droits de l'Homme. Une double titulature qui en ferait l'Etat démocratique par essence et par excellence, investi d'une mission universelle. La France dispute aux Etats-Unis cette précellence et cette prééminence mythiques, ce statut d'exception auto assignée.
Raymond Aron distingue les Etats gestionnaires et les Etats missionnaires. Les premiers n'aspirent à autre chose que d'œuvrer à la sauvegarde et à la défense de leurs intérêts étroitement compris dans un monde prosaïquement conçu. Les seconds se font une très haute estime d'eux-mêmes et se posent en modèle universel, voire en parangon de vertu dans un monde perçu comme une terre de mission. La France et les Etats-Unis cultivent cette vocation messianique sans rivage et se disputent ce rôle impérial, conduisant Bourdieu à parler « d'impérialismes de l'universel ». Les deux républiques se distingueraient sur un certain nombre de points, notamment sur le modèle d'intégration.
Le modèle français apparaît comme une vue de l' esprit
L'idée qu'il existerait un modèle français d'intégration, appelé républicain et universaliste, censément aveugle aux origines et aux appartenances primordiales, ne prenant en compte que l'individu sans attaches, n’apparaît trop souvent n’ être qu’ une pure vue de l'esprit : il y a aujourd’hui un abîme entre le droit et le fait ! En effet, si les lois édictent effectivement des grands principes généreux et égalitaires, le fonctionnement effectif de la société en contrarie l'application. "Que sont les lois sans les mœurs, que sont les mœurs sans les lois ?", s'interrogeait Horace.
Les sociétés occidentales semblent cultiver encore une forme de raciste latent, legs du passé esclavagiste et colonialiste, qui fait échec malheureusement aux lois et aux principes les mieux inspirés.
En France, un mur de verre invisible se dresse fréquemment sur le parcours d'une catégorie de citoyens, considérés comme difficilement assimilables, du fait de leur trop grande altérité physique et culturelle. Se pose la question d’une exclusive silencieuse pénalisant les personnes issues de l'immigration postcoloniale, interdites d'accès aux postes administratifs élevés et aux fonctions électives de premier plan…
L'idée qu'il existerait un modèle français d'intégration, appelé républicain et universaliste, censément aveugle aux origines et aux appartenances primordiales, ne prenant en compte que l'individu sans attaches, n’apparaît trop souvent n’ être qu’ une pure vue de l'esprit : il y a aujourd’hui un abîme entre le droit et le fait ! En effet, si les lois édictent effectivement des grands principes généreux et égalitaires, le fonctionnement effectif de la société en contrarie l'application. "Que sont les lois sans les mœurs, que sont les mœurs sans les lois ?", s'interrogeait Horace.
Les sociétés occidentales semblent cultiver encore une forme de raciste latent, legs du passé esclavagiste et colonialiste, qui fait échec malheureusement aux lois et aux principes les mieux inspirés.
En France, un mur de verre invisible se dresse fréquemment sur le parcours d'une catégorie de citoyens, considérés comme difficilement assimilables, du fait de leur trop grande altérité physique et culturelle. Se pose la question d’une exclusive silencieuse pénalisant les personnes issues de l'immigration postcoloniale, interdites d'accès aux postes administratifs élevés et aux fonctions électives de premier plan…
Le personnel du Quai d' Orsay est d' une blancheur immaculée
Aujourd’hui encore, de rares personnes, généralement peu représentatives parviennent à se hisser à un certain niveau de responsabilité. Notons que la nomination d'un journaliste noir en qualité de remplaçant du présentateur vedette de la première chaîne de télévision durant la période estivale a provoqué un débat national tout de même surréaliste, en forme de psychodrame.
L'uniformité du chromatisme de l'élite politique et administrative française, qui étonne tant les Américains (attentifs à relever que le personnel du Quai d'Orsay, en France comme à l'étranger, est d'une "blancheur immaculée" ), est une régression, comparativement au passé récent ou ancien.
Il y a lieu de signaler, pour mémoire, que sous la IVe République, tant décriée, des hommes politiques africains comme Hamani Diori du Niger, Félix Houphouët-Boigny de la Côte d'Ivoire, Léopold Sédar Senghor, étaient membres du gouvernement français. Et si l'on remonte encore plus loin dans le passé, on pourrait noter que l'armée française comptait dans ses rangs des hauts gradés noirs, tel le général Dumas, père du célèbre écrivain, ou encore ces officiers, ces jacobins noirs, qui ont dirigé la révolte des esclaves à la Guadeloupe (Delgrès, Ignace) et à Saint-Domingue-Haïti (Toussaint Louverture, Dessalines, Rigaud, Pétion, etc..). Encore plus significatif, l'exemple du Guyanais Gaston Monnerville, longtemps président du Sénat, qui fut sous-secrétaire d'Etat aux colonies entre 1937 et 1938, au grand déplaisir des Allemands et des Italiens, et même sénateur du Lot de 1948 à 1974.
Aujourd’hui encore, de rares personnes, généralement peu représentatives parviennent à se hisser à un certain niveau de responsabilité. Notons que la nomination d'un journaliste noir en qualité de remplaçant du présentateur vedette de la première chaîne de télévision durant la période estivale a provoqué un débat national tout de même surréaliste, en forme de psychodrame.
L'uniformité du chromatisme de l'élite politique et administrative française, qui étonne tant les Américains (attentifs à relever que le personnel du Quai d'Orsay, en France comme à l'étranger, est d'une "blancheur immaculée" ), est une régression, comparativement au passé récent ou ancien.
Il y a lieu de signaler, pour mémoire, que sous la IVe République, tant décriée, des hommes politiques africains comme Hamani Diori du Niger, Félix Houphouët-Boigny de la Côte d'Ivoire, Léopold Sédar Senghor, étaient membres du gouvernement français. Et si l'on remonte encore plus loin dans le passé, on pourrait noter que l'armée française comptait dans ses rangs des hauts gradés noirs, tel le général Dumas, père du célèbre écrivain, ou encore ces officiers, ces jacobins noirs, qui ont dirigé la révolte des esclaves à la Guadeloupe (Delgrès, Ignace) et à Saint-Domingue-Haïti (Toussaint Louverture, Dessalines, Rigaud, Pétion, etc..). Encore plus significatif, l'exemple du Guyanais Gaston Monnerville, longtemps président du Sénat, qui fut sous-secrétaire d'Etat aux colonies entre 1937 et 1938, au grand déplaisir des Allemands et des Italiens, et même sénateur du Lot de 1948 à 1974.
La classe politique répugne à faire une place aux minorités
Force est de constater qu’aujourd’hui la classe politique française, toutes obédiences confondues, répugne dans les faits à faire une véritable place aux minorités. Dans le cas français, le phénomène Obama agit à la fois comme réactif et comme catalyseur, en tant qu'il souligne l'ampleur du déficit démocratique français, en matière de représentation des minorités visibles, néanmoins surreprésentées dans les statistiques du chômage, du logement insalubre et médiocre, de la criminalité, etc.
Le Comité des Amis lyonnais d'Obama, au-delà du soutien au candidat métis, dans sa seule dimension symbolique, se veut un aiguillon, qui saisit l'occasion qu'offre l'expérience américaine, pour poser la question de la « diversité » en France et à Lyon en particulier, quelque soit d’ailleurs l’ambiguïté de ce dernier terme… Les dernières élections municipales en ont encore souligné et la nécessité et l'urgence !
Souvenons nous des émeutes funestes de l'automne 2005 qui ont sûrement valeur de signal d'alarme fort…
Force est de constater qu’aujourd’hui la classe politique française, toutes obédiences confondues, répugne dans les faits à faire une véritable place aux minorités. Dans le cas français, le phénomène Obama agit à la fois comme réactif et comme catalyseur, en tant qu'il souligne l'ampleur du déficit démocratique français, en matière de représentation des minorités visibles, néanmoins surreprésentées dans les statistiques du chômage, du logement insalubre et médiocre, de la criminalité, etc.
Le Comité des Amis lyonnais d'Obama, au-delà du soutien au candidat métis, dans sa seule dimension symbolique, se veut un aiguillon, qui saisit l'occasion qu'offre l'expérience américaine, pour poser la question de la « diversité » en France et à Lyon en particulier, quelque soit d’ailleurs l’ambiguïté de ce dernier terme… Les dernières élections municipales en ont encore souligné et la nécessité et l'urgence !
Souvenons nous des émeutes funestes de l'automne 2005 qui ont sûrement valeur de signal d'alarme fort…
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