Hôtel Dieu, vers une cohabitation entre charité et business ?

Il est loin le temps de la campagne électorale, quand le maire sortant Gérard Collomb et le prétendant Dominique Perben s'étrillaient sur le devenir de l'hôtel Dieu ! Bâtiment central au coeur de la presqu'île, l'Hôtel-Dieu est l'un des plus grands (35000m2 !) et des plus anciens bâtiments de Lyon. Construit à partir de 1184 en bordure ouest du Rhône, c'est le premier hôpital lyonnais .

Une "inviolable stabilité" de sa vocation de santé

Dans "l'Histoire du grand Hôtel-Dieu de Lyon des origines à l'année 1900", l'un des rares livres consacrés à cet édifice, on peut lire cet extrait du canon du Concile d'Orléans, concernant sa création : "Que, selon le but de la fondation, le soin et le nombre de malades, ainsi que la réception des pèlerins, soient toujours maintenus avec une inviolable stabilité. Que, si jamais quelqu’un, quelle que soit son autorité ou quel que soit son rang, tentait de contrevenir à notre présente constitution ou retranchait quoi que ce soit des contenus ou des facultés dudit hôpital, de sorte que cet hôpital, ce qu’à Dieu ne plaise!, cessât d’exister, qu’il soit frappé, comme meurtrier des pauvres, d’un irrévocable anathème ! ".

Vers la transformation en un... pôle de luxe
Las, bousculé durant la campagne par Dominique Perben qui voulait faire de la rénovation de l'hôtel Dieu un élément clé de son éventuel mandat, le maire sortant Gérard Collomb avait annoncé quelques projets, peu aboutis. Il indiquait alors qu'un "centre de santé" pourrait être conservé dans une partie des bâtiments, qu'un hôtel pourrait s'installer dans l'aile Nord, que les jardins pourraient être ouverts à la promenade des lyonnais ou encore que le style "italien" des arcades lui évoquait irrésisitiblement Milan et qu'il pourrait donner lieu à l'installation de boutiques de luxe, "dans le style de ce qui se fait dans cette ville". Rien de très concret mais une "orientation" qu'un Comité de Pilotage devrait "affiner", après concertation, dès sa réélection acquise.

Le projet : "du luxe et du bling bling"

Réuni aux Hospices Civils de Lyon pour proposer plusieurs scénarii, ce comité de pilotage a rendu sa copie fin septembre 2009. L'hôpital devrait être livré à des opérateurs privés qui seront soumis à un cahier des charges précis : l'ensemble du bâtiment doit être restauré, il doit être accessible aux Lyonnais, le projet doit "faire rayonner internationalement la ville" . Pas moins de 120 millions d'euros devront être investis. Ce projet privé doit comprendre des bureaux, des commerces, des galeries d'art, et surtout un hotel de luxe de 150 chambres construit dans le dôme de l'hôtel Dieu.

Des réactions citoyennes
Dès l'annonce du projet, les réactions sont venues de toutes parts : côté politique, le groupe "Ensemble pour Lyon" a évidemment regretté l'absence de concertation : "L’avenir de l’Hôtel-Dieu appartient aux Lyonnaises et aux Lyonnais. Une partie de l’histoire de notre Ville s’est construite dans ce lieu édifié grâce à leurs dons. Ils ne peuvent donc pas être absents du processus de décision sur l’avenir de ce lieu" déclarent les représentants de l'opposition municipale, en particulier le maire du deuxième arrondissement, dans lequel se situe le bâtiment, Denis Broliquier...

La mobilisation des associations
Pour Paul Ravaud, un militant associatif qui s'est déjà manifesté par son opposition au projet de destruction des prisons (voir l'article de LYon-Actualités), l'Hôtel Dieu fait partie intégrante de l'Histoire des lyonnais. les noms de Rabelais, les grands imprimeurs et éditeurs lyonnais y sont attachés : Sébastien Gryphe, Etienne Dollet, leurs combats pour la circulation des idées, pour la laïcité... "L'Hôtel Dieu, c'est la Mémoire de la mémoire lyonnaise", s'indigne-t-il... "le laisserons nous brader, occuper pour le seul plaisir de gens fortunés? L'Hôtel Dieu doit demeurer un lieu ouvert à tous : lieu de santé, de colloques, de recherches, de rencontres, de création...".

Le journaliste spécialisé dans les domaines de la santé Gérard Clavairoly ne dit pas autre chose :"Rabelais doit se retourner dans sa tombe !" s'exclame-t-il. Il a lancé, avec un groupe de citoyens et de militants associatifs, un appel pour "créer dans le futur l'hôtel Dieu reconverti un Centre international de promotion de la santé".

Ce groupe estime que le projet municipal - laisser un repreneur de prestige susceptible de bâtir un hôtel quatre étoiles le management de l'ensemble de la restructuration - constitue "un choix politique a minima". (...)
Sur la forme, ils estiment que l'expression du sénateur-maire Gérard Collomb, "mêle cynisme tranquille et impuissance avouée, aux antipodes des discours humanistes et volontaristes des dirigeants de la ville. C'est le portrait d'un futur hôtel Dieu de luxe et de commerces "bling bling" qui est dessiné".


Et la concertation ?

Tous les acteurs regrettent en tous cas le manque de concertation. "Dans la plupart des grandes villes internationales d'Europe du Nord, d'Allemagne, de Suisse, ou même chez nos voisins du Sud de l'Europe, les édiles municipaux auraient su susciter - puis accompagner - un vrai débat chez les habitants sur l'avenir d'un tel joyau patrimonial, afin que la démocratie locale s'exprime au moins pour partie", écrivent les membres de ce groupe qui regrettent cette occasion manquée.

Mais ils ne désespèrent pas et forts du grand nombre de signatures à leur "pétition" sur internet, ils ont décidé de poursuivre la réflexion : "un grand opérateur de la santé s'est déclaré prêt à discuter, d'autres partenaires sont pressentis... Une partie du chemin est donc accomplie : créer le débat, offrir une alternative complémentaire au projet municipal".

Thierry Philip, vice-président du conseil régional Rhône-Alpes, souhaite que leur groupe précise les contours du centre européen de santé . Ils ont été rejoints par Régis Neyret, ardent défenseur du patrimoine, qui propose de valoriser dans les lieux les industries de la santé de la région... "Une cohérence est à trouver entre tous ces projets... Il convient de montrer maintenant que la promotion de la santé n’est pas l’affaire des seuls professionnels du soin, elle concerne tous les habitants puisqu’elle vise à améliorer les conditions du mieux être sur tous les plans, physique, psychologique et social…".

1 comments :

Les Verts Rhône a dit…

Rabelais aurait du vague à l'âme !
Le président du Grand Lyon tance les salaires des agents des transports publics et le maire de Lyon réclame espèces sonnantes et trébuchantes pour investir la réaffectation de l'Hôtel Dieu…
L'Hôtel Dieu deviendrait-il un enjeu mercantile pour le luxe ?
Après l'exemple calamiteux du quartier Grolée, allons-nous assister à la dénaturation d'un des plus vieil hôspital de France, dont Rabelais tira ses enseignements ?
Le centre ville de l'agglomération ne doit pas être réservé aux riches et au luxe, les habitants et les hôpitaux étant repoussés dans les banlieues aux transports en commun sous dimensionnés.
La gouvernance publique ôte la vertu et la raison hospitalière publique au seul hôpital public central de l'agglomération.
L'appât du luxe en ce lieu est décalé et inquiétant.
Un financement privé même important ne soulagera pas les charges des Hospices Civils de Lyon, propriétaire des lieux.
Le site peut être plus ouvert à l'agglomération et à ses habitants.
Le site peut accueillir un Centre original multidisciplinaire de promotion de la Santé, comme le propose un collectif de citoyens et de médecins
La santé au centre ville a des missions de lien social, de prise en compte de tous, d'éducation à la santé, de médiations culturelles, de droit des usagers, de regroupement des expertises en santé publique, de maison médicale de garde pour les urgences et besoins de santé des plus défavorisé-es, de maisons des institutions, et tant d'autres!

La promotion de la santé ne doit pas rester le parent pauvre de la politique de santé.
L'humanisme social de Lyon au sein de l'Hôtel Dieu peut et doit répondre à cela. Le rayonnement international de Lyon ne passe pas forcemment par du luxe et des grands hôtels, mais peut passer par des initiatives politiquement et socialement novatrices.
Les Verts souhaitent que ce soit "Lyon social" qui rayonne internationalement. Sylviane GOY, Yves DURIEUX

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