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A Lyon, un juge est mort...

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"Juge Renaud, j'aurai ta peau". Cette phrase, criée en septembre 1974, en plein tribunal, par le truand Alain Benjelloun, pouvait paraître prémonitoire. Mais lorsque le 3 juillet 1975 les tueurs s'avancent vers le magistrat, Benjelloun est à la prison Saint-Paul de Lyon, tout comme le "parrain" du gang des lyonnais Edmond Vidal ou le "cerveau" Pierre Pourrat, qui lui est pensionnaire de la maison d'arrêt de Valence.


Quant à Fernand Recchia, un ferrailleur millionnaire aux très hautes protections, impliqué dans "l'affaire des fausses factures", il est incarcéré depuis le 19 juin pour utilisation frauduleuse d'un duplicata de permis de conduire. Un alibi en béton.
C'est qu'il en avait des ennemis, le juge François Renaud ! Celui que les truands, les journalistes et le Comité d'Action des Prisonniers appelaient "le Shériff" était de tous les dossiers explosifs. François Colcombet, fondateur et premier président du Syndicat de la Magistrature n'avait-t-il pas déclaré dans l'émission de télévision "Les dossiers de l'écran" le 7 mai 1974, en pleine campagne électorale : "Nous espérons ne pas avoir à découvrir que le Hold-up de Strasbourg a servi à remplir les caisses d'une organisation politique"?

Strasbourg, c'était 1.160.000.000 d'anciens francs emportés le 30 juin 1971 !
Revenu à Lyon depuis quelques années, le juge Renaud, ancien Résistant du maquis de Verdun sur le Doubs (commandé par le futur ministre de la qualité de la vie André Jarrot), était passé par l'Afrique -juge d'instruction suppléant en République centrafricaine, au Tchad, puis juge titulaire en Côte d'Ivoire, en Haute Volta...
A Lyon, il retrouve de vieilles connaissances, dont un ancien du maquis, reconverti dans les machines à sous, Jean Schnaebélé. C'est que la ville est devenue attirante. Le projet de canal Rhin-Rhône a marqué l'essor du Port Edouard Herriot qui est promis à un bel avenir. On se bat pour le contrôle des hôtels, des établissements de nuit, de la prostitution.
- En 1972, le député Edouard Charret est mis en cause, avec l'ancien patron du Groupe de répression du banditisme, un sous-chef de la brigade des moeurs et l'ancien chef adjoint de la sûreté urbaine, dans une affaire de prostitution.
le shériff
- Le 19 mai 1973, trois trafiquants de drogue lyonnais sont exécutés à Paris.
- Le 23 mai 1973, le villeurbannais Gérard Coudière tombe sous les balles et le jour suivant c'est Pierre Manlay, un autre lyonnais, qui est exécuté en pleine rue.
- Le 15 juin 1973, le principal concurrent de Jean Schnaebélé, Jean Augé (chef occulte du S.A.C* régional) passe de vie à trépas, exécuté devant le "sporting-club de Lyon-Plage".
- Le 3 aout 1973, Claude Guerry, alias "Petit Claude" est abattu devant le bar "l'imprévu" !
- Le 16 octobre 1973, c'est l'un des chefs du Gang des Lyonnais, Joanny Chavel, un ancien des sections spéciales -et officieuses- anti OAS en Algérie, qui disparaît pour toujours.
- Le 3 novembre 1974 Yves Marin-Laflèche, "petit prince de l'hôtellerie lyonnaise", disparu depuis le 16 juillet de la même année, est retrouvé mort dans un fourré de la banlieue lyonnaise.
- Le 17 décembre 1974, le gang des lyonnais monte deux coups simultanés, à Valenciennes et à Lens.
- Le 18 décembre 1974, des inconnus entrent dans la maison de Fernand Recchia à Albigny sur Saône et emportent le contenu de son coffre.
- Le 19 décembre 1974, trente deux membres du gang des lyonnais sont arrêtés et 16 d'entre eux (dont les femmes et amies des chefs) écroués.
- Le 9 janvier 1975 l'ancien bras droit de Jean Augé pour l'organisation du racket à Lyon, Henri Regef, se suicide.

De tous ces dossiers, et de bien d'autres, le juge Renaud, premier juge d'instruction de Lyon, est chargé. On comprend qu'il en conserve quelques ennemis !
En juin 1975, son fils aîné Roland est arrêté -et écroué dans la même prison que le gang des lyonnais- pour une affaire de drogue.
Mais le juge ne se démonte pas. A ses amis intimes, il confie selon Jacques Derogy (qui lui a consacré le livre Enquête sur un juge assassiné : Vie et mort du magistrat lyonnais François Renaud (Notre époque) - : "Mon enquête sur le Hold-Up de Strasbourg risque fort de déboucher sur des compromissions politiques".

Le 3 juillet 1975, alors qu'il vient de garer sa voiture près de son domicile, des coups de feu retentissent. Le crime ne sera jamais élucidé.
Gilles Roman

* Service d'Action Civique (service d'ordre Gaulliste)
En 1976, le réalisateur Yves Boisset s’inspire de l’assassinat du juge François Renaud pour réaliser avec Patrick Dewaere un film intitulé "Le Juge Fayard [copie VHS]" . Alors que l’enquête est encore en cours, le film met nommément en cause le Service d’Action civique (SAC), qui porte plainte pour diffamation. La Justice ordonne la suppression du sigle à l’image et sur la bande-son. Copie par copie, le réalisateur gratte la pellicule et poinçonne la bande-son, ce qui remplace le mot SAC par un "bip". Le film sort en janvier 1977 et certains spectateurs s’amusent à crier "SAC" à chaque "bip" lors des projections. Le SAC est dissous en 1982. En 1992, l’affaire du juge Renaud, toujours non élucidée, sera close par un non-lieu.

Mise à Jour 03/2018 :
- Un film, "les lyonnais", retrace une partie de cette histoire du point de vue du Gang des lyonnais
- "Monmond" Vidal inspire le film "Les lyonnais"
- Assassinat du Juge Renaud : l'intime conviction de son fils Francis
- Les titres des sites de LYonenFrance sont diffusés sur Twitter -

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