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Lyon a été le théâtre, le 11 mai 2013, du premier synode national de l’Eglise protestante unie de France. A l'occasion de ce moment chargé d'histoire, le ministre de l’Intérieur Manuel VALLS, a prononcé ce discours que nous reproduisons dans son intégralité :
"Monsieur le président du conseil national de la nouvelle Eglise protestante unie de France,
Monsieur le sénateur-maire, cher Gérard COLLOMB,
Messieurs, Madame, les présidents des églises ici rassemblées,
Monsieur le Cardinal, Monseigneur,
Mesdames, messieurs les pasteurs,
Mesdames, messieurs,
C’est un moment de joie, un instant d’allégresse qui réunit, dans ce « Grand temple » de Lyon, des fidèles, des ministres du culte, des représentants des autres Eglises chrétiennes, des religions du livre, et des représentants des pouvoirs publics. Je suis particulièrement heureux d’y être associé ; particulièrement heureux d’être présent à vos côtés. Je mesure pleinement l’intensité du moment, et je vous dois une confidence. En prenant mes fonctions de ministre de l’Intérieur, en charge de la relation avec les cultes, je ne pensais pas assister à un tel moment historique : la fusion de deux églises, pôles multiséculaires du protestantisme français.
C’est bien un moment important dans l’histoire de notre pays qui se déroule aujourd’hui. Avoir choisi Lyon pour cette cérémonie est un beau message ; un message pour nos contemporains et pour l’Histoire dont la capitale des Gaules est déjà si chargée. Ce choix de Lyon s’imposait : les racines religieuses de la ville, qui vécut intensément la Réforme, en font un cadre propice pour cette cérémonie qui marquera l’Eglise protestante de France. Lyon, c’est pour les Protestants un symbole. La ville fut administrée pendant 13 mois, en 1562, par des protestants, et le 10 août 1563, tout le protestantisme français s’y est rassemblé pour le quatrième synode national. C’est, depuis, un lieu régulier de réunion de vos églises, tout particulièrement de l’Eglise réformée de France. A Lyon, comme ailleurs, les Protestants ont contribué à écrire l’histoire de la République. A Lyon, comme ailleurs, ils ont apporté leurs valeurs, leur éthique, leur travail, mais aussi leur esprit de résistance. Résistance notamment contre la barbarie, et je pense en particulier à ces villageois protestants du Chambon-sur-Lignon qui ont fait l’honneur de la France, alors que ses valeurs vacillaient.
Aujourd’hui, ce sont les messages de deux figures centrales de la Réforme qui se rassemblent : ceux de Martin LUTHER et de Jean CALVIN. Je sais que la sensibilité protestante répugne à tout culte de la personnalité… Pourtant, comment ne pas évoquer, ici, ces deux personnalités que d’aucuns qualifieraient de contrastées, d’opposées ? Entre un LUTHER extraverti, flamboyant, intransigeant et un CALVIN discret jusqu’à l’oubli de lui-même – pudique dirait-on – et pourtant si déterminé, parfois impitoyable - que de différences ! Mais, un point commun les unit : bien sur la force de caractère mais ils sont tous les deux d’abord des enfants de la Renaissance dans une Europe dont ils ont changé le destin. Au coeur de cette époque si riche, Lyon est une plaque tournante. Située aux confins du royaume de France, proche du Saint-Empire, voisine des cantons suisses et notamment de la république de Genève – qui sera l’asile de CALVIN –, enfin proche des Alpes et par-delà des cités italiennes, Lyon est une ville d’échanges, non seulement économiques mais aussi intellectuels. Lyon est le siège de nombreux ateliers d’imprimerie qui permettent la diffusion des livres saints et la propagation de la foi nouvelle.
Comment ne pas esquisser un rapprochement entre les temps de la naissance de la Réforme et les temps présents : progrès technique et scientifique qui viennent interroger l’Homme dans ses fondements, ou encore technologies de l’information 4 qui sont autant de vecteurs puissants pour la diffusion des idées. Et Lyon, Monsieur le Maire grâce à vous, continue de produire cette synthèse fructueuse et féconde. La Réforme est un moment historique. C’est un moment toujours actuel …
Aujourd’hui, vous optez pour une Eglise unie, mais pas uniforme, car le protestantisme, c’est le pluralisme. Le protestantisme s’est, en effet, rapidement ramifié en de nombreuses Eglises porteuses de sensibilités diverses. Mais il a aussi été traversé, depuis ses origines, par un autre courant, celui de l’union. Ces deux mouvements – indépendance et unité – ont agi dans un sens parfois contraire, mais au final, c’est le désir d’une union respectueuse des uns et des autres qui a progressé. Aujourd’hui, vous reconnaissez que ce qui vous rassemble est plus important que ce qui vous distingue. Et ce qui vous rassemble, c’est, bien-sûr, la foi, que vous pratiquez sans ostentation, mais avec clarté, ce sont aussi des rites, des pratiques cultuelles, des approches semblables des grandes questions qui interrogent le fidèle Protestant.
Vous vous rassemblez sous la conduite d’un nouveau président, Laurent SCHLUMBERGER dont je connais l’esprit de responsabilité et les capacités d’écoute attentive et de dialogue. En lui adressant tous mes voeux pour ce ministère exigeant, je veux renouveler un message de sympathie et de confiance à 5 l’endroit des protestants de France et les assurer de combien ils peuvent vivre pleinement, intensément leur foi chrétienne. Cette foi, la République la reconnaît comme profondément légitime. Mais elle affirme, dans un même mouvement, que la foi renvoie à des interrogations personnelles, qu’elle ne peut être qu’une réponse individuelle à ce « silence du monde » dont parlait Albert CAMUS.
Croire – ou ne pas croire – relève de l’intime. Et pour vivre pleinement sa foi, tout croyant bénéficie d’un cadre : la laïcité. Je veux en parler, aujourd’hui, car je sais combien vous l’avez toujours défendue. La laïcité n’est pas la négation du fait religieux mais simplement une séparation claire entre ce qui relève du spirituel et du temporel. La laïcité est, certes, une réponse de nature juridique, mais elle est, d’abord et avant tout, une réponse politique. Politique au sens le plus noble du terme, c’est-à-dire le gouvernement harmonieux de la Cité des Hommes. La laïcité, c’est, enfin, la réconciliation entre ces deux aspirations qui animent l’humanité, à savoir le présent et l’infini. Le présent nous conduit à développer toutes les capacités inscrites en nous, à oeuvrer pour le développement et la prospérité matérielle, à construire et édifier nos institutions humaines, à favoriser le progrès social, scientifique, sociétal ; par la loi et les choix démocratiques qui s’imposent à tous. L’infini est cette soif de valeurs spirituelles, ce désir d’absolu, une forme de mystère aussi.
Le temporel et le spirituel sont nécessairement appelés à cohabiter, à vivre dans la concorde et dialoguer au nom d’une belle valeur : la tolérance.
Ce synode, moment historique, nous invite nécessairement à nous tourner vers notre Histoire. Aujourd’hui, la puissance publique, l’Etat, la République, agissent selon ce principe de la laïcité. Grâce à lui, vous êtes protégés dans votre liberté essentielle, fondamentale, d’exercice du culte. Grâce à lui je peux, comme ministre de la République, vous parler, comme j’ai déjà parlé aux Catholiques, aux Juifs, aux Musulmans de France. Grâce à lui, vous avez la garantie que l’administration est neutre, mais proche, distincte, mais présente. Cela n’a pas toujours été le cas ! Le protestantisme français a fait l’amère expérience de l’oppression, des persécutions, de l’exil qui a couté si cher à notre pays. Il a fallu des siècles pour que la France apprenne à vivre avec toute la richesse des confessions qui s’exprimaient sur son sol. De cette richesse, de cette diversité, le génie de la République a su en tirer sa force. C’est pour cela qu’aujourd’hui nous savons composer avec les ramifications de notre histoire. Le Concordat, auquel vous êtes si attachés – je parle d’abord aux Luthériens de cette salle, peut-être devrais-je dire, aux ex-Luthériens, mais il y a aussi des Réformés en Alsace – ce Concordat, qui semble si perpendiculaire au principe de laïcité, parce qu’il organise la rémunération du culte par l’Etat, vient d’être consacré par le conseil constitutionnel. Ses valeurs profondes l’ont emporté ! La tolérance, la liberté de croyance et de religion, sont des principes fondamentaux, ici comme à Strasbourg, Metz ou Colmar.
Mais les particularités de l’histoire, la souffrance passée, sont aussi des enseignements fondamentaux pour notre présent. La laïcité est notre rempart contre tous ceux qui veulent mettre sur la scène publique l’intolérance, l’exclusion, le refus du débat, l’obscurantisme, qui n’ont pas leur place dans la République. Le message historique du protestantisme c’est justement celui de la tolérance, de l’ouverture, de la libération de l’individu, de son accès à la connaissance par lui-même. Comment ne pas voir autant de points communs avec les valeurs de la République ? C’est donc bien que leurs destins sont liés. Aujourd’hui, au terme d’un long et patient processus, vous avez choisi de vous mettre en « Réforme », de vous donner un nouveau destin. En ce jour si particulier, où vous êtes fidèles à votre histoire, et parés pour l’avenir, je veux vous adresser toute la considération, toute l’estime de la République."
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