Avec les lois dites de "Grenelle de l'environnement", une révolution était en cours dans la méthode - faite de concertation et de recherche du consensus - et Nicolas Sarkozy annonçait rien moins qu'un bouleversement dans la prise en compte de l'urgence environnementale.
Jean-Jack Queyranne, président de la région Rhône-Alpes, attendait lui aussi beaucoup de cet engagement volontariste du président de la République et estime que tout avait bien commencé : "La loi Grenelle 1, issue d'une concertation large, a permis de fixer des objectifs" rappelle le "coordinateur officiel" des Régions de France pour le Grenelle. "Mais le ministre de tutelle, Jean Louis Borloo, est un homme de grand talent", ironise Jean Jack Queyranne : "il sait apparaître ou disparaître en fonction des dossiers".
La deuxième partie, dite "Grenelle 2", qui est présentée cette semaine à l'assemblée, avait pour vocation de mettre en place la "boîte à outils", indispensable pour traduire dans un nombre important de textes de lois, les engagements pris par l'Etat. Malheureusement, déplorent aujourd'hui les élus locaux, la politique a refait son apparition dans ce dossier technique et il y a fort à parier que, sous la pression des lobbys agricoles et industriels, la plupart des engagements ne seront pas traduits dans les faits.
Peu de moyens pour développer le transport collectif et la normalisation thermique de l'habitat...
Sur les deux principaux enjeux, facteurs de développement économique et d'aménagement du territoire, l'Etat semble reculer : "Nous avons besoin d'un engagement fort sur le financement des transports collectifs ; cela passe par exemple par le fret ferroviaire, la création des accès du côté français au tunnel Lyon / Turin" rappelle la Maire de Chambéry et Vice Présidente du Conseil Régional Bernadette Laclais. Quant à la révolution que représenterait la mise aux normes thermiques, en vingt ans, de l'habitat ancien des villes, "le projet Grenelle 2 ne donne pas les moyens des objectifs fixés il y a seulement deux ans" indique Jean Jack Queyranne.
Pour lui, le gouvernement surfe sur une contradiction : il prétend donner à cette loi une importance capitale et dans le même temps utilise la procédure d'urgence -moins de quatre jours de débat- "afin de se débarrasser au plus vite d'un dossier qui n'intéresse plus Nicolas Sarkozy " (la fameuse phrase prononcée au salon de l'Agriculture : "l'environnement, çà commence à bien faire !" )
Les élus locaux égrennent la liste des reculs et abandons du gouvernement devant "la pression des lobbys" :
- Le transfert modal du transport routier vers le ferroutage n'est pas suffisamment soutenu.et l'annonce de l'autorisation du transport par camions de 44 tonnes va rendre nécessaires de nouveaux investissements routiers au détriment du rail !
- Les infrastructures ferroviaires nécessitent de lourds investissements (gares, ouvrages d'art pour désenclaver les Alpes par exemple) et le gouvernement n'acte pas l'urgence de ces besoins en financement.
- Sur l'habitat, l'association Effinergie, qui réunit des collectivités locales, des industriels et des organismes techniques sous la présidence de Jean Jack Queyranne justement, a proposé de promouvoir la construction Basse Consommation. Or, les textes proposés cette semaine ne permettent pas un engagement aussi important que ce qui avait été annoncé.
L'abandon des taxes carbone et Poids lourds prive l'Etat du financement de ses ambitions
Pour ce qui est du financement des actions du Grenelle, "le gouvernement s'est tiré une balle dans le pied" jugent les écologistes : la taxe carbone abandonnée et la taxe poids lourds sur les routes nationales reportée à fin 2012, "ce sont plus de trois milliards d’euros dont l'Etat s'est privé et qui devaient financer l’Agence de financement des Infrastructures de transport de France (AFITF)" calcule le président de la Région Rhône-Alpes.
Un catalogue d'annonces et de communication sur des actions déjà mises en place localement
Les élus locaux ne voient plus dans le Grenelle 2 qu'un catalogue d'annonces pour des actions qu'ils ont déjà mises en place : à Lyon, les représentants d'Europe Ecologie estiment qu'à défaut d'une révolution environnementale, "c’est plutôt un retour à l'ère nucléaire qui est proposé" .
Ils rappellent que, sous leur impulsion, la région lyonnaise s'est dotée de "véritables corridors écologiques, le projet des berges du Rhône inauguré en 2007 et celui des rives de Saône vont tout à fait dans le sens des trames bleues et vertes annoncées par le Grenelle 2" .
Quant à la réduction de la consommation d’énergie, "toutes les constructions nouvelles dans les zones d'aménagement du Grand Lyon respectent un cahier des charges en avance d'une réglementation thermique, et de nombreux bâtiments affichent déjà une consommation d'énergie passive sur l'agglomération".
Le Grenelle devrait offrir une vraie perspective de développement durable pour les villes et les agglomérations. Mais ils ne désespèrent pas qu'au dernier moment le Gouvernement mette enfin les moyens techniques, juridiques et financiers "et que le président Sarkozy respecte les engagements qu'il a pris devant les Français en signant le pacte de Nicolas Hulot".
Gilles Roman
0 comments :
Enregistrer un commentaire
Vous devez être connecté pour commenter - Inscrivez vous...