Débat sur les Nanotechnologies, la CNDP apporte plus de questions que de réponses

Dans l'organisation du débat public, le moins que l'on puisse dire est que la "concertation" a des ratés. Il existe pourtant une commission nationale du débat public (CNDP) qui est chargée d'organiser la discussion sur des sujets aussi pointus que les nanotechnologies. 


Mais dans certaines villes comme Lyon et Grenoble par exemple, le débat s'est fortement polarisé entre "pros" et "anti-nanos", ces derniers étant particulièrement énervés par l'impression que tout était joué d'avance : le Conseil Régional, comme le Grand Lyon et le département du Rhône ont en effet rivalisé, avant même que le débat n'ait eu lieu, dans la communication sur l'implantation d'un pôle industriel à Lyon. Ancré sur deux grandes écoles et une université, l'Institut des Nanotechnologies a d'ailleurs débuté son activité, avec pour vocation de faire fusionner des laboratoires lyonnais pour développer des recherches dans les domaines de la microélectronique, des nanosciences, etc., en lien avec les pôles de compétitivité Minalogic (à Grenoble) Biopôle, Axelera ou encore Lyon Urban Trucks and Bus.

"Des attentes fortes et un questionnement en direction des responsables"
Celà n'a pas empêché la CNDP de mener le débat à son terme et de publier aujourd'hui un bilan qui n'élude pas les données de la controverse. Après 4 mois de débat, Philippe Deslandes, président de la Commission nationale du débat public (CNDP) et Jean Bergougnoux, président de la Commission particulière (CPDP) sur les nanotechnologies, ont rendu public ce bilan qui vient d'être  remis au gouvernement.
Selon eux, il en ressort des attentes fortes... "qui constituent un questionnement en direction des responsables du développement et de la régulation des nanotechnologies".

Les nanos, une technologie puissante qui pose la question de la gouvernance
Face à une nouvelle technologie très puissante, ouvrant des potentialités considérables mais comportant des risques de différentes natures, souvent encore mal identifiés, "le public a bien compris que la question centrale était celle de la gouvernance du développement des nanotechnologies", écrivent-t-ils. Or, le sentiment qui prévaut est celui d'un déficit dans ce domaine, "dans un contexte mondial où le développement des nanotechnologies et, plus encore, de leurs applications, est ressenti comme piloté pour l'essentiel par les forces du marché". 
Nombreux sont ceux qui pensent que la réponse à cette problématique ne peut être qu'européenne. Reste à décider s'il suffit à la France de faire entendre sa voix au sein de l'Union pour accélérer l'émergence d'une gouvernance européenne répondant à ses vœux !  Ou si elle doit, en même temps, se doter d'une gouvernance propre lui permettant d'anticiper sur ces évolutions souhaitables, voire de les compléter pour tenir compte d'attentes spécifiques à notre pays. Le projet de loi Grenelle 2 penche selon la commission pour cette seconde hypothèse "mais ses modalités d'application restent à préciser".

Les ONG et les écologistes demandent un moratoire
Dans ce contexte, un moratoire global sur les nanosciences et nanotechnologies est-il concevable ? Cette hypothèse, que les Amis de la Terre et quelques autres considèrent comme étant la "seule solution raisonnable" a été fortement contestée, en particulier par les chercheurs. De nombreux intervenants se sont montrés convaincus qu'elle ne saurait faire partie des suites données au débat par les Pouvoirs Publics..

Des produits déjà sur le marché alors que les risques sont insuffisamment connus
La première inquiétude du public concerne les risques sanitaires et environnementaux liés à l'utilisation des nanomatériaux dans les produits de la vie courante. "De nombreux produits contenant des nanomatériaux sont déjà sur le marché, parfois peut-être sans qu'on le sache, alors que les risques qu'ils peuvent comporter sont insuffisamment connus".
La connaissance des dangers spécifiques des nanomatériaux est encore très imparfaite. L'insuffisance des financements publics consacrés aux recherches en nanotoxicologie et en nanoécotoxicologie a été maintes fois dénoncée. La question de la caractérisation et de la métrologie apparaît également cruciale pour apprécier l'exposition au danger et fonder une politique de maîtrise des risques.

Comment renforcer le contrôle de l'Etat et garantir l'indépendance des experts?
Les attentes sont fortes en matière de traçabilité, d'étiquetage et de transparence des études préalables à la mise sur le marché. Il est souhaité que les études sur le cycle de vie et, particulièrement la fin de vie des nanomatériaux et des matériaux en contenant, soient poussées afin de déboucher sur des dispositions spécifiques à prendre en matière de gestion et traitement des déchets industriels et domestiques.
Faut-il et, si oui, comment, renforcer le contrôle de l'Etat au moment de la mise sur le marché de nanoproduits? La responsabilité des entreprises, leur éthique et leur bonne gouvernance sont apparues tout autant cruciales. Enfin, les questions concernant l'organisation et l'indépendance de l'expertise ont été souvent évoquées.

Un débat qui apporte plus d'incertitudes que de réponses
'Quoiqu'il en soit, écrivent les rapporteurs, "des incertitudes subsisteront et le bon usage du principe de précaution a été au cœur du débat". Des demandes de moratoires plus ou moins étendus ont été formulées  par les Verts, s'agissant de la commercialisation de l'ensemble des produits contenant des nanoparticules, dans l'attente de la mise en place d'une autorisation européenne de mise sur le marché des nano-produits.  France-Nature-Environnement a fait valoir que, s'agissant de la mise sur le marché de certaines catégories de produits, la preuve de leur innocuité pour la santé et l'environnement n'aura pas été apportée.

Les risques éthiques de la technologie des puces RFID
La miniaturisation extrême de l'informatique et notamment des puces RFID qui pourrait résulter à relativement brève échéance de la nanoinformatique, a suscité elle ausis de nombreuses interrogations. Quelles menaces pour les libertés individuelles ? De quels moyens la CNIL (Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés) devra-t-elle disposer pour les maîtriser ? Le législateur devra-t-il interdire certaines applications de ces puces invisibles ou presque ?
Le développement des nanotechnologies est "une affaire publique". Cette conviction est partagée par l'ensemble des acteurs représentant dans ce débat la "société civile" (associations, syndicats, grand public), par des représentants d'assemblées régionales, par des élus. Ils sont unanimes pour demander à être associée à la gouvernance du développement des nanotechnologies. Cette proposition a trouvé des échos favorables chez plusieurs représentants de l'administration. L'opportunité de créer des instances consultatives aux niveaux national, régional, voire local, pour associer les différentes composantes de la société à la gouvernance des nanotechnologies a été examinée de manière approfondie.

Comment mettre à la disposition du public une information transparente et de qualité ? Comment poursuivre dans la continuité les débats et les concertations pour répondre à une forte demande de la société civile ? 

"La réponse à ces questions dépend sans doute des réponses qui seront apportées aux attentes exprimées en matière d'association de la société civile à la gouvernance du développement des nanotechnologies La question de l'intégration des problématiques nano dans les différents cycles de formation n'a été qu effleurée mais sa grande importance a bien été identifiée".

Pour le Président de la CNDP, qui rappelle que le débat et les réunions publiques ont été émaillés de perturbations, on ne peut pas dire que la discussion est terminée mais les modalités selon lesquelles elle se poursuivra dépendent grandement des réponses qu'apporteront les Pouvoirs Publics au questionnement qui ressort du débat, en particulier s'agissant de la participation de la société civile à la gouvernance des nanotechnologies.

S'agissant de la faible participation du public, il note que les perturbations n'expliquent pas tout. Un déficit d'information initiale et une insuffisante sensibilisation aux enjeux du débat ont, sans doute, joué dans le cas d'espèce un rôle majeur. 

L'interactivité d'internet pourrait être d'un grand secours pour la continuité du débat public
Reste qu'un débat public national sur un sujet sociétal complexe, ne sera jamais facile à organiser. "La succession de réunions publiques nécessairement à la fois thématiques et géographiques ne saurait généralement faire ressortir suffisamment l'unité du thème et la continuité du déroulement du débat", notent les rapporteurs. C'est ici que la participation en direct et en interactif des internautes aux réunions publiques ou à des tables rondes spécialisées, a un rôle sans aucun doute important à jouer dans les débats futurs. Cette approche a été expérimentée à partir de la mi-débat dans le cas du débat sur les nanotechnologies. Une réflexion approfondie sur le sujet vient d'être lancée au sein de la CNDP.

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