#Vaccin #Covid19
Le comité scientifique a transmis le 9 juillet aux autorités nationales un avis sur la campagne de vaccination à venir "qui a vocation à être rendu public". Nous en avons isolé ici des extraits significatifs :
La recherche pour un vaccin anti-COVID-19 est de plus en plus active à l’échelle internationale. De nombreux essais sont en cours. Bien que l’utilisation d’un vaccin soit soumise aujourd’hui aux incertitudes et inconnues scientifiques (efficacité, disponibilité à moyen ou long terme, type de vaccins...), il est dès à présent crucial , selon cet avis, d’élaborer une stratégie vaccinale nationale, afin que cet outil puisse être intégré efficacement dans la stratégie plus globale de lutte contre l’épidémie COVID-19 dès sa disponibilité.
En ce début d’été 2020, la pandémie de COVID-19, qui a
touché l’Europe en février 2020, a considérablement ralenti en Europe. Bien que
le virus circule toujours au sein de la population, les mesures de lutte contre
la pandémie mises en place par les pays européens, dont la mesure stratégique
de confinement, ont permis de contrôler en grande partie cette circulation
active, en la combinant avec une stratégie de tests, isolement et suivi des
contacts.
À l’issue de ce premier passage du virus, l’immunité collective est
évaluée à partir de données séroépidémiologiques à un niveau faible dans les
différents pays européens de l’ordre de 6 à 15% maximum. Par ailleurs, à ce
jour aucun traitement antiviral direct efficace n’a été identifié même si la
recherche thérapeutique se poursuit. La recherche, à l’échelle mondiale pour la
mise au point d’un vaccin anti COVID-19 est particulièrement active. Dès lors,
il est crucial que la France réfléchisse à une stratégie vaccinale qui fixe la
doctrine de la vaccination, et ce, en amont de la disponibilité d’un vaccin
potentiellement efficace.
Si une vaccination
obligatoire n’est ni souhaitable ni envisageable, une stratégie de vaccination
fondée sur des choix purement individuels peut manquer d’efficacité et se
révéler injuste socialement.
Le groupe de réflexion a
dégagé cinq points principaux de connaissance et de réflexions nécessaires à
l’élaboration d’une stratégie vaccinale COVID-19 :
1. Les différentes types d’immunité et leur importance dans
la construction d’une stratégie vaccinale contre le COVID-19.
2. Les principales caractéristiques des vaccins actuellement
en phase de développement. Une visibilité sur les différentes options
vaccinales permettra à la France de faire les meilleurs choix en fonction des
besoins identifiés (populations cibles, temporalité de l’accès…) mais aussi des
contraintes logistiques (opérationnalité de la vaccination, ressources humaines
en charge de la vaccination, enjeux économiques…).
3. Les populations cibles de cette vaccination COVID-19,
avec une priorisation d’accès en fonction des risques sanitaires, des
populations à risques professionnels, des emplois stratégiques ainsi que de
caractéristiques socio-éco-démographiques.
4. Les modalités de vaccination, prenant notamment en compte
le nombre de doses de vaccin à administrer et la diversité des professionnels
en charge de la vaccination.
5. Les enjeux
sociétaux liés à la vaccination, visant à renforcer l’adhésion de nos
concitoyens aux vaccins disponible, constituent une condition essentielle de la
réussite d’une campagne vaccinale, quelle que soit son échelle.
La réticence à
la vaccination en France est un phénomène connu, ayant fait l’objet de travaux
de sciences humaines et sociales et largement étudié dans le cas de la
vaccination grippale. Dans un contexte de défiance et en présence d’enjeux
industriels, la vaccination se prête aux controverses publiques voire au
conspirationnisme. Afin de ne pas renouveler l’échec de la vaccination
anti-grippale de 2009, un ensemble de propositions relatives à la communication
et à la transparence, ainsi qu’une démarche participative associant des
citoyens sont nécessaires. (…)
***************
Points d’attention :
- Il est souhaitable dans un contexte
épidémique actif, d’atteindre ces critères dès la 1ere injection vaccinale.
Cependant face à ce virus totalement nouveau l’obtention de titres suffisants
d’AcN pourrait requérir 2 injections à 3-4 semaines d’intervalle, soit par des
vaccins de même nature (homologues) soit par l’utilisation de deux vaccins
différents et complémentaires (hétérologues). Cette dernière possibilité
potentiellement plus efficace pourrait être difficile à mettre en œuvre par les
industriels eux-mêmes et requérir des essais cliniques académiques.
- Par
ailleurs la sénescence immunitaire des sujets âgés, qu’il faudrait cibler en
priorité du fait de leur susceptibilité aux formes graves de la maladie
COVID-19, limitera certainement l’intensité et la valeur protectrice des
réponses immunes aux vaccins, ce qui souligne la nécessité d’explorer cette
question dans les phases de développement clinique des vaccins.
***************
Vaccins contre le SARS-CoV-2 : enjeux et perspectives
(…)
Les premiers résultats dévoilés de vaccinations dans des
modèles animaux chez des rongeurs ou des primates non humains démontrent la
capacité de ces vaccins à induire, le plus souvent après deux administrations,
des AcN et des réponses cellulaires Th1 mais des taux relativement modestes.
Une capacité protectrice contre l’infection est parfois mise en évidence, bien
qu’elle soit parfois limitée à la réduction de la sévérité de l’infection.
Toutefois l’absence de standardisation des méthodes utilisées pour l’analyse de
ces réponses et l’hétérogénéité des modèles animaux utilisés compliquent la
comparaison des diverses formulations vaccinales.
Des stratégies vaccinales mettant en œuvre deux types de
vaccins peuvent être envisagées :
- Vaccin « stérilisant » permettant d’interrompre la
transmission du virus.
- Vaccin protecteur
contre la maladie mais n’empêchant pas la transmission de l’infection.
Disponibilité des candidats vaccins anti-SARS-CoV2
Certains vaccins pourraient recevoir une autorisation
d’utilisation chez l’homme au cours du dernier trimestre de 2020, sur la base
de données d’efficacité dans les essais de phase 3 chez l’homme ou à travers
d’une procédure qui prendrait en compte une protection chez l’animal et des
données de sécurité/immunogénicité du vaccin chez l’homme.
***************
Points d’attention :
Le gouvernement français négocie
actuellement (en partenariat avec ses homologues européens) des contrats de
réservation de vaccins dont on ne connait pas encore les caractéristiques
(efficacité, contre l’infection, la pathologie sévère, la transmission, chez
quels personnes/classes d’âge, sécurité, nombre de doses pour induire une
immunité protectrice - 2 doses (avec un rappel au jour 28) pour la plupart,
durée de protection). Le nombre de vaccins qui sera finalement commandé est
encore inconnu, mais on s’attend à avoir plusieurs dizaines de millions de
doses de vaccins (potentiellement correspondant à 2-5 produits différents)
disponibles entre le dernier trimestre de l’année 2020 et le premier trimestre
de 2021, qui pourraient être déployées s’il survient une seconde vague de
COVID-19. Il est impératif de se donner le temps nécessaire à une évaluation
rigoureuse tant de l’efficacité que de la sécurité des candidats vaccins avant
leur utilisation à grande échelle.
Contrat de réservation signé avec Astra
Zeneca, négociations en cours avec Moderna, CureVac, BioNTech/Pfizer, Jansen,
Sanofi Pateur
***************
Se posera dans tous les cas la question de l’immunisation
des sujets âgés de plus de 75 ans chez lesquels il est vraisemblable qu’une
faible réponse vaccinale sera obtenue et qu’il faudra couvrir par des mesures
de protection barrières.
Afin d’accélérer
l’évaluation des candidats vaccins, il a été proposé par certains de pratiquer
un challenge infectieux par SARS-Cov-2 chez des volontaires sains après
vaccination. Si cette approche peut être utile à l’évaluation d’autres vaccins
en l'absence de corrélats immuns de protection, sa pertinence dans le cas du
SARSCoV2 nous parait discutable pour des raisons à la fois scientifique et
éthique :
o Scientifique.
L’existence de modèles animaux d’infection à
SARS-CoV2, même imparfaits, n’impose pas de recourir à l’évaluation d’une
protection chez des jeunes volontaires en bonne santé dont les résultats ne
seraient pas plus transposables, que ceux des modèles animaux, aux personnes
vulnérables, principales cibles de la protection.
O Éthique.
Même si le
niveau de risque est faible, on ne peut écarter la possibilité de survenue
d’accident chez ces volontaires, en l’absence de thérapeutiques curatrices
avérées du Covid-19.
De ce fait, le comité est défavorable au recours au
challenge infectieux de volontaires sains comme étape de développement clinique
des vaccins antiSARS-CoV2.
***************
Populations prioritaires pour une vaccination anti-SARS-CoV-2
Populations considérées en toute première priorité, en
métropole et en Outre-Mer Cette catégorie concerne essentiellement les personnels de santé et les personnels au contact de
populations plus vulnérables - Personnes à risque du fait de leur âge ou de leur état de
santé - Personnes vivant en
situation de grande précarité (...)
Populations considérées comme prioritaires en second
lieu: environ 5 millions de personnes:Départements
et régions d’outre-mer, en cas de risque de pénurie de lits de réanimation, personnes vivant dans des établissements fermés à risque
accru de transmission.
Les personnels ayant un emploi stratégique
***************
Points d’attention :
Populations vaccinées à l’occasion d’une campagne de vaccination réactionnelle
« en anneau » : Autour d’un cluster de cas de COVID-19, si une protection
immunitaire peut être obtenue rapidement dès la première dose vaccinale, elle
devra être stratégiquement utilisée pour les contacts et contacts de contacts
de cas ainsi que pour la population d’un cluster critiques placée en confinement
(village, quartier, entreprise). Ici, l’évaluation numérique n’est pas
pertinente en raison des différentes tailles de clusters possibles.
Concernant la vaccination des personnes ayant déjà été infectées par le
SARS-CoV-2:
- la durée de la protection acquise après l'infection n'est pas
connue et pourrait varier en fonction de différents paramètres tels que l'âge
et la présentation clinique de l'infection
- il n'existe pas d'argument
spécifique suggérant que la vaccination de personnes préalablement infectées
pourrait poser problème. Elle est par contre de nature à prolonger ou renforcer
l'immunité acquise. En conséquence, la réalisation d'une sérologie préalable à
la vaccination apparait inopportune et de nature à compromettre la bonne
organisation de la vaccination et la dispensation du vaccin dans des conditions
simples et intelligibles.
***************
Vaccination contre la COVID19 : une adhésion à construire
Une campagne de vaccination contre la
COVID-19 pourrait se heurter aux réticences d’une partie de nos concitoyens,
comme le suggèrent certaines enquêtes (au pic de l’épidémie en avril, un quart
des Français indiquaient refuser de se faire vacciner). La vaccination
nécessite la prise en compte d’importants enjeux en termes d’information, de
condition d’accès et d’équité. Les faibles taux de vaccination chez les
professionnels de santé, notamment contre la grippe témoignent de plus de la
difficulté à faire accepter une vaccination pour protéger autrui plutôt que
soi-même.
Les réticences d’une
partie des Français vis-à-vis de la vaccination est désormais installée, après
diverses politiques de vaccination controversées, notamment en 1994 avec la
vaccination contre l’hépatite B puis plus récemment avec la vaccination contre
la grippe A(H1N1) qui a été l’objet d’intenses débats sur la sécurité du
vaccin, avant même que la vaccination ne débute. Des doutes ont émergé sur la
sécurité du vaccin, jugé avoir été produit trop vite pour être sûr.
Ces doutes
sont confortés par divers phénomènes inhérents à la vaccination :
des réponses
immunitaires de faible ampleur chez certaines personnes vaccinées peuvent être
la source d’inquiétudes ;
des individus vaccinés peuvent ne pas être protégés,
ce qui conduit à douter de l’efficacité du vaccin ;
des accidents rares mais
désastreux peuvent annihiler la confiance. En raison des réticences ou des
doutes à l’endroit de la vaccination, l’adhésion des Français ne peut être
considérée comme acquise.
La confiance doit se construire et prendre en compte
un ensemble plus large de considérations, ayant trait aux réticences mais aussi
aux difficultés d’accès aux soins et à l’information sur les recommandations, aux connaissances et aux incertitudes scientifiques, à des principes éthiques
et d’équité, notamment en matière d’accès aux vaccins pour les personnes les
plus démunies. Ces questions deviennent cruciales si la vaccination n’est plus
seulement l’objet de stratégies volontaires, fondées sur le choix de chacun,
mais de stratégies obligatoires, courantes pour les maladies infectieuses.
La
vaccination COVID-19 se heurte à trois grands types de difficultés :
· L’épidémie a émergé dans
un contexte de doute d’une partie de la population quant à l’efficacité ou à la
sécurité de certains vaccins, voire de tous.
· Elle
suscite de nombreuses controverses sur les stratégies publiques ou les produits
pharmaceutiques. Celles-ci peuvent facilement se reporter sur la vaccination,
en portant préjudice à son déploiement.
· La
vaccination COVID-19 est plus spécifiquement l’objet d’incertitudes, qui
peuvent nourrir des doutes sur l’efficacité, la sécurité, la capacité
d’immunisation, la durée d’immunisation, de possibles mutations réduisant la
protection vaccinale, les taux de couverture ou encore de possibles effets
secondaires auprès de certains publics .
La mise à
disposition du vaccin devra être simple. Il sera important donc d’alléger le
circuit de vaccination (ordonnance, achat du vaccin, injection du vaccin) afin que la vaccination soit perçue comme un geste facilement mis en œuvre et non
chronophage.
La communication
est une condition de réussite. Elle doit être
transparente sur les procédures ayant permis l’accélération de la mise sur le
marché sans apparaitre comme ayant été menée au détriment de la sécurité, sur
les incertitudes et les fondements scientifiques des recommandations. La
communication doit montrer, à partir de données
vérifiables et quantifiées, éventuellement par des chiffres, l’intérêt de la
vaccination en général pour que celle-ci reprenne sa place dans les schémas de
prévention de santé.
La communication institutionnelle ne
doit pas ignorer une « contre-communication » hostile aux stratégies
vaccinales. Elle doit être cohérente dans la durée, ainsi qu’avec les
initiatives d’autres pays, notamment européens. La communication doit être
réalisée en amont de la campagne, être différenciée selon les publics cibles et
privilégier des valeurs positives, plus mobilisatrices.
La stratégie
vaccinale peut bénéficier de recherches en épidémiologie et en sciences
sociales.
L’adhésion à la vaccination peut bénéficier d’une
démarche participative, ouverte et transparente, de type « forum citoyen ».
***************
Point d’attention :
Un vaccin contre la COVID-19 offre de réels
espoirs, mais l’adhésion de nos concitoyens à la vaccination est à construire.
La communication, tout particulièrement, sera une des conditions de réussite de
la campagne vaccinale. Elle doit être transparente sur les procédures ayant
permis l’accélération de la mise sur le marché sans être au détriment de la
sécurité, sur les incertitudes et les fondements scientifiques des
recommandations. La communication doit être réalisée en amont de la campagne,
être différenciée selon les publics cibles, et évoquer une forme de « contrat
social » appelant à la responsabilité de chacun. Elle ne pourra que bénéficier
d’une démarche participative, ouverte et transparente, de type « forum citoyen
», associant en particulier les associations de patients.
***************
Membres du CARE Françoise Barré-Sinoussi, Présidente Laëtitia Atlani-Duault Sylviane Muller Jean-Philippe Spano
Membres du Conseil scientifique COVID-19 Jean-François Delfraissy, Président Daniel Benamouzig Pierre-Louis Druais Arnaud Fontanet Bruno Lina Yazdan Yazdanpanah
Membres du Comité Vaccin COVID-19 (1) Marie-Paule Kieny, Présidente Brigitte Autran Alain Fischer Xavier de Lamballerie Odile Launay
(1) Composition complète du Comité Vaccin COVID-19 : Brigitte Autran, Christophe Bardin, Bernard Fanget, Alain Fischer, Bernard Fritzell, Marie-Paule Kieny, Xavier de Lamballerie, Odile Launay, Isabelle Parent, Stéphane Paul, Claire-Anne Siegrist, Michel de Wilde. Observateurs : Bertrand Schwartez, Jérôme Weinbach.
0 comments :
Enregistrer un commentaire
Vous devez être connecté pour commenter - Inscrivez vous...